lundi 7 mars 2016

Le Maître de thé

Au cégep, quand est venu pour nous le temps de faire une analyse comparative entre Aki Shimazaki et un auteur japonais, j'aurais voulu lire Le Maître de thé de Yasushi Inoué. Cependant, il était introuvable à la bibliothèque. Je suis enfin parvenue à mettre la main dessus et à me délecter de ce texte à la fois philosophique, parce qu'il renferme des réflexions profondes, et réconfortant en raison des descriptions de cérémonies du thé empreintes de la douce chaleur ainsi que des arômes veloutés de cette précieuse boisson chère aux Japonais. Certes, je pourrais disserter sur les valeurs japonaises qui y sont présentes, comme nous l'avons fait dans le cours Dossier:écrivain, mais j'aime mieux parler d'un aspect qui m'a frappée en prenant un peu de recul une fois ma lecture terminée.
Dans Le Maître de thé,  nous entrons dans le journal du moine Honkakubo. De nombreuses années se sont écoulées depuis la mort de son maître, le senseï Rikyu. Tout au long de sa vie, ce célèbre maître de thé a  développé une "voie du thé", de la même manière qu'il y a celle des samouraïs. Celle-ci consiste en une pratique simple et saine de la cérémonie du thé, laquelle se perfectionne avec les années. Ce n'est qu'à un certain âge qu'un Maître peut se considérer comme un grand maître qui a atteint le sommet de son art. En 1591, Rikyu Senseï a réussi à attirer la colère de son suzerain, le Taïko Hideyoshi, au point de se voir condamné à l'exil puis à la mort par Hara kiri.Tout au long de son journal, Honkakubo cherche à comprendre le sens de cette mort et à trouver la raison pour laquelle son maître a accepté son funeste destin au lieu de demander pardon au Taïko.

Une phrase de ce roman siérait très bien au résumé de Tsubaki d'Aki Shimazaki : "le néant n'anéantit rien, c'est la mort qui abolit tout". Désolée de dévoiler l'intrigue, mais dans Le Maître de thé,  le maître Rikyu considère la mort comme l'aboutissement de son œuvre. De même, Yukiko met fin à son tissu de mensonges par son suicide.  Rikyu emporte son secret dans la tombe et c'est à Honkakubo de le découvrir. Yukiko, elle, décide plutôt d'avouer son parricide dans la lettre qu'elle laisse en héritage à Namiko. Les deux personnages utilisent des phrases énigmatiques de leur vivant, lesquelles sont utilisées comme pistes de réflexion par ceux qui découvrent leur secret. Yukiko déclare vouloir mourir comme les tsubaki, et Rikyu décrit toujours son style de thé avec les mots wabisuki-jôjû, chanoyu-kanyô, incompréhensibles à tout son entourage ainsi qu'au lecteur. Ces énigmes ne prennent tout leur sens qu'après la mort des personnages, lorsque les protagonistes méditent ces paroles pour essayer d'en saisir la signification profonde.
 Le Maître de thé m'a beaucoup plu. En lisant, je me revoyais chez Matsui Senseï, que je salue si jamais M. Braën retourne au Japon. En effet, le narrateur énumère et décrit avec force détails les salles de cérémonie, les ustensiles, les précieux bols et la nourriture qui accompagne le thé. Tous ces éléments m'ont donné envie d'en boire à nouveau, ce que j'ai fait avec grand plaisir. Le roman se lit vraiment de la même manière qu'on vit la cérémonie du thé: dans le calme et en prenant le temps de savourer chaque passage. Je le recommande à tous ceux qui voudraient découvrir le Japon de l'époque des Shogun et des grands Maîtres de thé. Également,  pour ceux que ça intéresse, il en existe une adaptation cinématographique,  La mort d'un maître de thé.


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