samedi 8 décembre 2007

Voyageons

Voyageons ma chère fraternité
Découvrons l'état brut l'étrangeté
Du monde sur deux pattes
Nous sommes tous dans la même galère
Allons! n'aie aucune crainte
Aucune plainte

Une grande farce nous est amenée
C'est la vie, et il reste la fraternité.

mardi 4 décembre 2007

Tsubame - le songe de l'identité vraie et le rêve de vivre bien

À mon sens, le voyage est en premier l'oubli de soi. Cet oublie est nécessaire pour mieux intégrer la culture et les moeurs du pays. Rester sur ce que l'on connaît déjà, c'est laisser un pied dans le pays d'origine. La déstabilisation est peut-être alors plus frappante -peut-être est-elle aussi plus douloureuse.

En étant déstabilisé, l'homme se cherche des repères et n'est pas à sa pleine capacité pour intégrer son entourage. Il comparera avec ses origines premières; il saisira la culture du pays sur une base de comparaison, mais n'intégrera pas, ne comprendra pas. De là l'importance de l'oubli.

Mais l'oubli, à moins d'être temporaire, court et volontaire, peut aussi être douloureux. Dans Tsubame, Aki Shimazaki expose particulièrement bien le problème de l'importance de l'identité.

Dans le Japon des années 1920, les Coréens (ou autres immigrants) étaient tous confrontés à un dilemme majeur: ils avaient à faire un choix entre la qualité de leur vie ou leur nom. Cette réalité existe toujours puisque pour être citoyen japonais, il faut renoncer à nos origines, renier notre patrie et adopter un nom japonais.

Aujourd'hui, ce problème est plus éthique qu'identitaire (je crois) parce que cela concerne la morale d'abord et avant tout (est-ce bien? est-ce mal?)... Dans le contexte où se trouve les personnages d'Aki Shimazaki, le problème est réellement plus difficile à solutionner puisqu'il est de source identitaire et de subsistance.

Ce problème est d'autant plus grave puisque l'identité est l'une des premières choses qu'on abolie en période de crise ou de guerre (si ce n'est pas la première). (On se rappelle la guerre qu'ont livré les Français aux Anglais pour préserver leur langue, leur culture et leur religion au Québec... Le nom des Juifs dans l'Holocauste remplacée par des nombres... ou même aujourd'hui l'indifférence des États-Unis dans les pays du Moyen-Orient face aux religions, coutumes, moeurs, politique, économie...) Les Coréens, en froid avec les Japonais, sont donc confrontés à un choix: s'affirmer pleinement et souffrir ou alors renier leur origine et accéder à un niveau de vie plus élevée et souhaitable dans ce pays.

Le titre Le Poids des secrets, prend tout son sens dans ce livre et il faut être pleinement conscience des circonstances dans lesquelles Mariko Kanazawa grandit pour comprendre le silence dans lequel elle désire s'enfermer jusqu'à la mort pour apporter avec elle ce secret qui lui est si chèrement payé.

lundi 3 décembre 2007

Ma conscience

Il est onze et cinq du soir, je viens de prendre conscience que dans un mois je serai au Japon, tout prêt du soleil. Je pense à un aphorisme qui m'est venu, après avoir lu «la blancheur de la baleine», un chapitre grandiose du fameux roman de Melville (Moby-Dick), et cet aphorisme, dis-je, est celui-ci:

- Pour ne point te fatiguer à l'ubiquité qu'il faut au prophète pour savoir le futur, attends!
Puis, lorsque la matinée arrive, regarde à l'est et contemple la magie de la lumière: détourne ton regard vers la blancheur de l'albatros qui capte le premier rayon du soleil. Voilà une certaine part de ton avenir: l'infini possibilité du lointain, fait de blanc et de lumière émergant d'ailleurs. L'ombre, à ce moment, est derrière toi; elle bouge. Tu te souviens d'avoir marché vers une baigneuse, la nuit passée, dans l'Océan.

Mais déjà, en le relisant, j'éprouve une sorte de joie d'auteur... Peut-être ne suis-je pas Proust ou Flaubert, Bataille ou Sade, Nietzsche ou Rimbaud, Huysmans ou Sollers, Garneau ou Nelligan, mais, après tout, j'ai une lucidité comme eux tous qui me suggère une seule chose: la patience dans l'ivresse de mon langage. Et je crois que c'est une force que tout homme doit avoir devant l'affreux pouvoir du mot «génie».

Et le Japon! Aki Shimazaki! Où se place-t-elle parmi ces noms presque célestes dans l'univers du discours littéraire, philosophie et poétique? Sa simplicité évoque tout de même de puissants symboles... Voilà l'un des moments romanesques que j'ai bien aimé lors de la lecture du troisième roman du Poids des Secrets:

«Je me réveille juste avant de frapper l'eau. Je
suis en sueur. Ma bouche reste ouverte. J'ai soif.
Ai-je vraiment crié ou non? J'écarquille les yeux
dans le noir. Je n'entends que le tic-tac du réveil.
J'allume la lampe. Il n'est que quatre heures du
matin. Nous sommes le deux septembre. Le jour
où ma mère a disparu.
Je n'ai plus sommeil. Je me lève. Je prends
dans un tiroir de l'armoire le journal de ma mère
et regarde longuement la couverture jaunie.»
- Aki Shimazaki (Tsubame)

Voilà j'ai hâte au Japon, il m'appelle bien plus que je le désire, car je pourrais désirer l'Europe ou Cuba - j'y suis déjà aller -, mais pour le Japon, je n'ai que des fantasmes. De la même manière qu'on découvre une région insoupçonnée dans notre propre chambre, je compte rencontrer un inconnu éclatant de notre mourante planète terre, selon l'opinion scientifique du moins. Je verrai le pays du Soleil levant avant la deuxième Ère glacière - peut-être.

Gabriel