mardi 8 février 2011

Discrétion

La discrétion nécessite une immense part d'audace. Au moins nous écrivons des lettres discrètement violente sous le silence. L'audace de la patience, entre autres discrétions à l'avenir.

Ce qui fascine chez les japonais, c'est leur discrète attention aux détails, qui, au final, paraît tout révéler sur une harmonie et une perfection, minimale, mais grandiose. Par quelques coups de ciseaux dans le jardin d'un temple bouddhiste, voici que la bienveillante quiétude du paysage retrouve ses moyens.

Perspective bidisciplinaire sur Aki Shimazaki

Qu'ont en commun Aki Shimazaki et le cinéaste Nobuhiro Suwa?

En repensant au film H. Story de Nobuhiro Suwa, que j'ai vu l'année dernière, je me suis dit qu'Aki Shimazaki abordait, à sa façon, la question de l'irreprésentable. Je m'explique: depuis la seconde guerre mondiale et depuis le 11 septembre 2001, les artistes de tous les horizons se demandent comment fait-on pour représenter ou décrire des événements d'une extrême violence comme les bombes de Hiroshima et de Nagasaki, la Shoah ou encore la chute des tours jumelles.

À travers sa pentalogie Le poids des secrets, Aki Shimazaki emmène son lecteur dans un voyage dans le temps en faisant une histoire qui se déroule autour de la bombe de Nagasaki. Cet événement est irreprésentable en plus d'être un tabou pour les japonais, au même titre que la bombe de Hiroshima. Aki Shimazaki fait un tour de force: elle parle brièvement de l'événement sans l'afficher comme le principal élément de son oeuvre. Le récit crée un effet bombe: autour de l'histoire de Yukio et de Yukiko, d'autres secrets éclatent au grand jour, dédramatisant quelque peu l'Histoire par le fait que les déshonneurs qui pèsent sur les Horibe et sur les Takahashi ont l'air plus horribles.

De son côté, Nobuhiro Suwa, cinéaste natif de Hiroshima, pose la question de l'irreprésentable par l'image. En effet, H. Story (2001) raconte l'histoire d'un réalisateur qui tente de faire le remake de Hiroshima mon amour. Ici, la question qui se pose n'est plus "comment représenter l'irreprésentable", mais plutôt "est-il possible, au début des années 2000, de reprendre point par point le scénario original de Hiroshima mon amour?". La réponse que donne Suwa est non. Lorsque le spectateur regarde ce film, il assiste à un tournage raté. Les comédiens censés interpréter Nevers (Béatrice Dalle) et Hiroshima (Hiroaki Umano) se sentent mal à l'aise de réciter le texte de Marguerite Duras. À travers leur malaise et l'insuccès du tournage, ces deux personnages errent dans Hiroshima, prédisant que le remake ne se fera pas. De plus, le réalisateur fait exprès de filmer en laissant des bavures dans son images telles que des flash de fin de bobine. La seule chose qu'il fait exactement comme Resnais se trouve dans sa manière de filmer le Dôme de la bombe A. Pour résumer le travail de Suwa, il s'agit d'une distanciation par rapport à l'Histoire, mais aussi par rapport à ses prédécesseurs. Pour lui, c'est beaucoup trop délicat de faire le remake d'un film qui porte sur un événement qu'il n'a pas vécu. Comme pour les livres d'Aki Shimazaki, Nobuhiro Suwa veut son oeuvre simple et discrète.
À tous ceux qui n'ont pas vu le film et qui voudraient le voir, je le recommande chaudement.