jeudi 3 février 2011

Pastiche


Par son message, Gabriel m'a inspirée à en publier un également. Pour une vision plus mature de mon écriture inspirée du Japon, je vous présente un pastiche du dramaturge Bernard-Marie Koltès, à partir des brouillons d'une pièce intitulée Guerre de nègres et de chiens. Le but de l'exercice était de décrire des personnages de façon très minimale physiquement et en leur for intérieur. Ensuite, il fallait les situer dans un milieu et les faire parler pour voir quel vocabulaire on leur mettrait en bouche. J'avais écrit ce texte lors d'un atelier d'écriture donné par l'écrivain François Bon en mars 2009.




Yukiko: Deux amandes parfaites au milieu du visage, fossettes aux joues, petits plis au front.




En son for intérieur: Un bouton de fleur de camélia qui éclot lentement un matin de printemps et qui recherche la douce lumière du soleil.




Kenji: Petites rides autour des yeux, ride légère au-dessous de la bouche, deux sourcils bien égaux.




En son for intérieur: De l'époque où on voit arriver l'hiver en regardant la nature s'endormir avec l'espoir de la voir renaître.




Vue d'un après-midi à Uji




Le soleil brille au-dessus du pont de la rivière Uji: il réchauffe lentement la surface de l'eau claire qui ondule au mouvement des seaux qu'on y lance pour puiser; le vent amène un parfum de thé vert fraîchement moulu qui donne une énergie profonde et un sentiment de tranquilité à ceux et à celles qui traversent le pont pour aller au marché ou pour aller prier au Biyodoin dont les phénix d'or scintillent au loin dans la lumière du soleil. Les personnages sont accoudés au pont, chacun dans ses pensées.




Yukiko: Si je pouvais, je me transformerais en grue blanche; je voyagerais très loin, je ferais de belles découvertes en longeant la rivière jusqu"à la mer; j'irais contempler cette ville du haut du Biyodoin autant de fois et aussi longtemps que je le désire; la nuit, je pourrais goûter au calme et au silence en me rafraîchissant dans la rivière tout en regardant la lune se mirer dans ce clair miroir; je plongerais à la recherche de poissons et je m'en régalerais; le plus merveilleux est que le matin, je me laisserais doucement bercer par le vent, légère comme une plume.




Kenji: Qui suis-je, où suis-je, où vais-je?, voilà la question; si cette ville est celle que je vois aujourd'hui, que deviendra-t-elle dans mille ans? Je voudrais être présent pour voir comment Uji a évolué et est à la fois restée la même; je voudrais sentir à nouveau le parfum du thé, que j'adore; l'Éternité est comme une cérémonie du thé: elle semble longue, mais on la voit passer en un éclair; c'est beaucoup mieux lorsqu'on peut profiter d'un moment et le fixer dans l'Éternité, comme l'écriture des plus beaux haïkus ou comme la chute délicate des fleurs de camélia à l'automne.




1 commentaire:

Ériel a dit…

Merci Noémie, tu me vois soudainement encore plus heureux de poursuivre ce blog. Si tel est le cas, nous serons pour l'instant les deux principaux écrivains. Mais j'apprécie beaucoup te lire, tu as une plume pour les détails et la simplicité. En ce sens, bien japonaise ta plume, même s'il faut ajouter encore beaucoup de caractéristiques avant d'être esthétiquement et spirituellement japonais(e). Nous travaillons en quelque sorte à les découvrir en écrivant ici. Travail de réminescence et de style alors. Tu précises le projet que j'envisageais. Et n'hésite pas à me corriger...