lundi 3 décembre 2007

Ma conscience

Il est onze et cinq du soir, je viens de prendre conscience que dans un mois je serai au Japon, tout prêt du soleil. Je pense à un aphorisme qui m'est venu, après avoir lu «la blancheur de la baleine», un chapitre grandiose du fameux roman de Melville (Moby-Dick), et cet aphorisme, dis-je, est celui-ci:

- Pour ne point te fatiguer à l'ubiquité qu'il faut au prophète pour savoir le futur, attends!
Puis, lorsque la matinée arrive, regarde à l'est et contemple la magie de la lumière: détourne ton regard vers la blancheur de l'albatros qui capte le premier rayon du soleil. Voilà une certaine part de ton avenir: l'infini possibilité du lointain, fait de blanc et de lumière émergant d'ailleurs. L'ombre, à ce moment, est derrière toi; elle bouge. Tu te souviens d'avoir marché vers une baigneuse, la nuit passée, dans l'Océan.

Mais déjà, en le relisant, j'éprouve une sorte de joie d'auteur... Peut-être ne suis-je pas Proust ou Flaubert, Bataille ou Sade, Nietzsche ou Rimbaud, Huysmans ou Sollers, Garneau ou Nelligan, mais, après tout, j'ai une lucidité comme eux tous qui me suggère une seule chose: la patience dans l'ivresse de mon langage. Et je crois que c'est une force que tout homme doit avoir devant l'affreux pouvoir du mot «génie».

Et le Japon! Aki Shimazaki! Où se place-t-elle parmi ces noms presque célestes dans l'univers du discours littéraire, philosophie et poétique? Sa simplicité évoque tout de même de puissants symboles... Voilà l'un des moments romanesques que j'ai bien aimé lors de la lecture du troisième roman du Poids des Secrets:

«Je me réveille juste avant de frapper l'eau. Je
suis en sueur. Ma bouche reste ouverte. J'ai soif.
Ai-je vraiment crié ou non? J'écarquille les yeux
dans le noir. Je n'entends que le tic-tac du réveil.
J'allume la lampe. Il n'est que quatre heures du
matin. Nous sommes le deux septembre. Le jour
où ma mère a disparu.
Je n'ai plus sommeil. Je me lève. Je prends
dans un tiroir de l'armoire le journal de ma mère
et regarde longuement la couverture jaunie.»
- Aki Shimazaki (Tsubame)

Voilà j'ai hâte au Japon, il m'appelle bien plus que je le désire, car je pourrais désirer l'Europe ou Cuba - j'y suis déjà aller -, mais pour le Japon, je n'ai que des fantasmes. De la même manière qu'on découvre une région insoupçonnée dans notre propre chambre, je compte rencontrer un inconnu éclatant de notre mourante planète terre, selon l'opinion scientifique du moins. Je verrai le pays du Soleil levant avant la deuxième Ère glacière - peut-être.

Gabriel

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