vendredi 2 mai 2008

Premier voyage

Un voyage, c’est plus que le simple fait de changer de ville, de pays, c’est s’éloigner de son petit monde pour se rapprocher de soi-même et des autres.

Tout d’abord, il y a cet état d’esprit dans lequel on se trouve lorsque l’on franchit pour la première fois la frontière de l’inconnu et que l’on se retrouve à mille lieux de chez soi dans un univers complètement différent, saisi par le choc d’une rencontre entre deux cultures qui ne semblent pas, aux premiers abords, avoir beaucoup de points communs…
Toutes les appréhensions du départ sont présentes : pourquoi avoir quitté son monde? Pourquoi être venu ici, loin de tout ce que l’on connaît et de ceux que l’on aime? Supposément que pour tout premier voyage, il y a ce doute en plus du baptême de l’avion… Là aussi, il y a une certaine crainte, une certaine appréhension qui s’envole en même temps que l’avion. Malgré la grande distance qui sépare New-York du Japon, tout se passe bien puisque aller vers l’inconnu éveille une certaine curiosité de plus en plus palpable au fil du temps qui passe et du pays qui approche… Une sorte d’adrénaline nous envahit lorsque l’avion se pose et que l’on met enfin pied à terre. Néanmoins, il y eut une certaine déception à l’arrivée puisque cela ne répondait pas à mes attentes… on ne sait jamais ce à quoi réellement s’attendre de toute façon, mais il faut dire que les longues heures en avion épuise et nous rend quelque peu lasse. Nous ne sommes jamais dans les meilleures conditions après tout ce temps, la fatigue dans le corps, il est donc normal de ressentir quelques craintes, surprises, angoisses, surtout lorsque l’on est accueilli par un quartier assez douteux où des sans-abri nous font de grands sourires avec quelques dents manquantes…

Une bonne nuit de sommeil et la visite du premier temple fait rapidement oublier l’arrivée rocambolesque. Bientôt, c’est toute la beauté du pays qui s’épanouit sous nos yeux, la nuit ayant laissé place au soleil éclatant et notre appréhension à la plus grande excitation. Après s’être familiariser avec les lieux, vient la barrière de la langue. Elle est là certes, mais elle n’empêche nullement les Japonais d’être des plus agréables compagnies. Leur hospitalité et leur gentillesse sont vraiment sans bornes. On voit sans cesse leurs dents blanches à forces de sourires indulgents et polis. Arriver chez eux, c’est réellement aboutir dans un autre monde. On a beau essayer de rentrer dans leur bulle, on se sentira toujours un peu à part quoique toujours les bienvenus. Il est assez drôle lorsque l’on s’imagine comme dans un autre univers où l’on est en vacances et où l’on vient découvrir un pays inconnu. Pourtant, eux, ils vivent là. Les gens que l’on rencontre dans le métro vont à l’école ou travailler. Pour eux, c’est le quotidien, pour nous, c’est l’aventure.

Il y a aussi la densité de la population qui amène le sentiment que l’on n’est jamais seul. Les rues de Montréal, par la suite, semblent bien désertes… Toutefois, on a beau être sans cesse entouré d’un million de personnes, on peut encore se sentir seul puisque, bien qu’il y ait des centaines de conversations aux alentours, on ne peut en suivre aucune. De plus, paradoxalement, c’est calme et silencieux. Les gens parlent mais ne sont pas agités, ne font pas exprès pour attirer l’attention sur eux… et pourtant ils le font dans leur habillement, dans leur style. Ils sont d’un calme poli et le silence est très respecté. Avoir une population aussi dense à Montréal créerait un vrai chaos…

Il existe plusieurs autres paradoxes, d’autres contradictions dans les mœurs japonaises : entre autre, il y a la modernité face à la tradition. Le Japon est sans aucun doute le plus perfectionné des pays par rapport à la technologie, surtout en ce qui concerne Tokyo, mais c’est aussi un pays très axé sur la tradition, les cérémonies, le respect des autres et de la nature… Il est difficile pour nous de capter et de comprendre leur façon d’agir puisque nous ne venons pas de cette partie du monde. Kyoto est l’une des villes les plus intéressantes justement parce que c’est surtout là que l’on retrouve les traces de la tradition : les maisons traditionnelles et tous les temples. Il a été des plus instructifs et des plus amusants de faire l’expérience de vivre dans une maison traditionnelle pendant plus d’une semaine et pour avoir été inviter à partager un repas chez des Japonais, il faut avouer s’être totalement épris de leur hospitalité et de leur raffinement tellement différent de ce que l’on peut trouver par chez nous. La nourriture, quant à elle, est exquise avec un certain goût de rêve éveillé.

En effet, deux semaines dans un pays aussi « oriental » que le Japon, ce n’est qu’une infime parcelle de tout ce qu’il y a à découvrir dans ce coin du monde. On prend rapidement goût à cette nouvelle vie où l’inconnu nous attend au détour de chaque rue et de chaque temple. Ce n’est qu’une fois de retour chez soi que l’on ouvre les yeux sur la beauté que l’on a quittée et sur l’aventure qui a vu le jour lors de la rencontre de deux mondes. Au retour, l’adrénaline revient ainsi qu’une nouvelle appréhension : celle de retourner vivre sa routine après un aussi beau rêve. Parce que oui, tout semble être un rêve une fois revenu dans son monde. Après tout, que représentent deux semaines dans toute une vie ? Certainement pas grand chose, mais sûrement un beau rêve que l’on chérira toute sa vie, un rêve qui fut réalité l’espace d’un moment et même s’il fut trop court, personne n’oublie son premier voyage.

Marilyne Chouinard

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